Le verre est-il à moitié plein, ou à moitié vide ? Une façon de voir les choses qui n’est pas sans incidence sur la relation que chacun construit au sujet – l’environnement, l’individu, l’organisation-, et sur la façon dont il se projette.
L’image, la représentation, voire le fantasme d’un sujet peuvent renouveler une quête sans fin, une attente du « tout », qui nourrit une insatisfaction perpétuelle : celle d’un objectif irréaliste jamais atteint. Une attente du toujours plus qui succède au constat de jamais assez bien : l’idéal plutôt que le possible.
Projeter les attentes sur un périmètre d’influence trop vaste, trop éloigné du champ d’action possible peut également engager l’individu sur la voie de l’insatisfaction. Par exemple : « la société n’est pas à l’image de ce que je souhaiterais ». Mais est-ce que j’agis individuellementdans le sens collectif attendu ? Ou est-ce que je ne fais que formuler mon insatisfaction ?
Ne faut-il alors juste se contenter de ce qui est ? Ne pas repousser les limites ? Ne pas dépasser, se dépasser ?
Bien sûr que non. Pour dépasser une limite, faut-il encore en fixer, et constater les seuils atteints, même, et surtout intermédiaires. Constater pour progresser, et nourrir une certaine satisfaction ? Celle du chemin parcouru par exemple, de la réalité du sujet.
Se positionner dans une démarche du réel, établir une relation à ce qui est exprimé, mis en place, construit, produit, caractérisé. Apprécier ce qui existe, plutôt que regretter ce qui n’est pas, ce qui cela aurait du ou pu être, si….
C’est aussi s’intéresser et évaluer les apports d’un candidat, plutôt que ne lui renvoyer que ses manques ou limites. Prendre le contrôle, ou construire un échange, une relation dans la confiance.
Par exemple :
« Ce n’est pas exactement le cadeau que je voulais »,
« Non, mais c’est celui que tu as », qui devient plus tard…
« Ce n’est pas le candidat que je voulais »,
« Non, mais c’est celui qui existe, qui est en adéquation avec le besoin, et présente les qualités objectives pour réussir dans le poste », ou…
« Ce n’est pas le manager idéal »,
« Non, mais c’est celui avec lequel vous allez travailler, et qui développe aussi certaines qualités », ou enfin…
« Le monde d’aujourd’hui est en perte de valeurs »,
« Une partie visible peut-être, mais de nombreuses actions et initiatives individuelles ou collectives, plus discrètes, en sont porteuses ».
Ainsi, le contact avec le réel, la curiosité, l’écoute, l’observation participent à développer la relation plutôt que la représentation. Il alimente le constat de ce qui est possible, de ce qui se passe concrètement, ce qui avance : une réalité qui peut aussi se révéler positive.
Le réalisme, même s’il révèle aussi le manque, la faille, le déséquilibre, donne au moins une chance de se nourrir de la bonne pratique, de la valeur positive, du sens de l’acte.
Il permet de s’appuyer sur ce qui est connu pour aborder en confiance ce qui ne l’est pas.
Se confronter au réel, c’est développer la conscience de l’acte. L’attente du « tout parfait » éloigne de la possibilité d’en constater une partie, même imparfaite, mais en mouvement positif.
Ce qui compte n’est pas tant la taille des pas, mais la direction qu’ils prennent.
Etre à l’écoute des signes, des paroles, des actes positifs, des bonnes pratiques, rééquilibre au moins la déception de la mauvaise pratique, ou son idéalisation, et peut donner confiance en ce qui existe.
Ce qui concerne l’éthique, la morale, les valeurs, le sens…portent très haut les attentes de réalisation, et sur des périmètres très vastes – le système, la société, le monde : l’Institution plutôt que l’individu.
Il est pourtant important de ne pas confondre l’objet collectif de l’organisation avec les valeurs qu’elle est censée porter .Vous pouvez trouver le sens que vous souhaitez dans une entreprise, par la qualité des relations et les valeurs managériales. Vous pouvez aussi être déçu en milieu associatif pour son absence de qualité. L’inverse est évidemment possible.
Constater la réalité d’une bonne pratique, d’un engagement, nourrit la confiance en la capacité individuelle ou collective de produire du sens, de la valeur, du résultat, de l’efficacité.
Une façon d’avancer avec optimisme, avec réalisme sur le chemin de progrès, et d’alimenter l’énergie et la confiance pour participer à construire une partie de la solution, plutôt qu’attendre le salut d’une solution parfaite, et hypothétique.
Peu importe le niveau du verre, chaque goutte qui s’y ajoute ne participe-t-elle pas à en augmenter le contenu ?
Stéphane Lhermie